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bottes secrètes

le club de lecture qui a changé ma vie

Oui, oui, un vrai book club comme on l’imagine, avec des femmes érudites, un chat, du thé et des gâteaux. Mais au lieu des napperons en crochet et des relents de verveine, c’est sur une table en palettes et dans un terreau d’idées militantes que je suis allée me planter. Un havre de tolérance où la parole s’ouvre comme un champagne. Un moment suspendu dans le vacarme assourdissant de l’information. Un sanctuaire de réflexion pour aiguiser nos luttes. Je n’ai pas rencontré dans ce club de grands-mères laquées mais une tribu de femmes plus badass les unes que les autres… De vraies soeurs d’armes. 

Puisque j’ai désormais la conviction profonde que ces rencontres peuvent transformer le monde (rien de moins), je voulais vous raconter l’histoire de notre club, mais surtout, vous en livrer la carte au trésor… Quelques ruses pour réunir des complices et organiser un club qui vous ressemble. 

comment tout a commencé 

Au printemps 2017, lorsque mon amie Eliette* m’a proposé de rejoindre son cercle littéraire, je n’ai pas immédiatement sauté sur l’occasion. Je ne connaissais pas les autres invitées, j’avais trop de choses à faire pour lever le pied et pas assez de temps pour lire de toute façon. Mais Eliette, c’est tout simplement ce que vous pourriez imaginer de plus drôle, pétillant et attachant à la fois. Eliette, c’est ce deux pièces dans le 10e dont le moindre centimètre carré fleure le papier et l’encre… C’est une pile électrique et un puits intarissable de références culturelles.

Je n’ai donc tout simplement pas pu résister quand un dimanche midi, en lendemain de soirée, elle m’a relancée pour vérifier que je serais « bien là au goûter ». 

“C’est simple, il faut juste venir à 15h avec un livre que tu affectionnes particulièrement”. 

N’ayant pas vraiment préparé de fichettes (et encore un peu dans la gaze), j’empoigne deux valeurs sûres (un Virginie Despentes et un Yasmina Khadra) et je m’élance vers le quartier Brochant, QG de l’époque.

3 ans plus tard, je rougis d’être passée si près d’une grossière impasse pour cette toute petite flemme. Et je chante les louanges d’Eliette qui a eu cette idée brillante, et initié un rituel qui m’est devenu indispensable depuis.

Quelque part, il y a sûrement un club avec Marylin, Stan et Virginia. 

comment ça marche 

Il existe autant de recettes de club de lecture que de gâteaux au chocolat. Voici celle qui, chez nous, donne le résultat le plus savoureux :

  • Un rendez-vous régulier (toutes les 4, 6, 8 semaines en fonction du rythme de lecture) 
  • Un groupe de personnes, potentiellement fluctuant mais avec un noyau fidèle
  • Un ou plusieurs livres présentés par chaque participant.e (auteur.ice, synopsis, axes de l’oeuvre, écriture, ressenti personnel, extraits…) 
  • Des échanges à partir de cette présentation, que l’on ait également lu l’oeuvre ou non (c’est généralement dans cette partie un peu explosive que les décibels s’emballent !) 
  • Un chassé croisé de prêts et emprunts à la fin de la session, à lire pour le club suivant  
  • Une clôture sur tout plein d’amour et déjà, la hâte de dévorer la cueillette du jour 
  • Et sur le point de se quitter, Eliette me rajoute toujours un livre ou deux pendant que je lace mes chaussures, parce que je suis une bonne poire et que je ne dis jamais non.

Pourquoi c’est si puissant 

La force du groupe 

Parmi la dizaine de personnes qui fréquentent ou ont fréquenté le club, je n’en connaissais que deux (Eliette, et une amie qui nous a rejointes par la suite). Les autres membres ne se connaissaient pas non plus et c’est précisément ce métissage qui a fait toute l’originalité et la richesse du groupe. Nos seuls dénominateurs communs étaient donc : notre amie et le même amour des livres. Je n’aurais probablement jamais rencontré ces femmes et leurs histoires passionnantes sans ce coup de baguette magique, en tout cas certainement pas avec des conversations de telle qualité. 

Le safe space 

L’espace d’un après-midi, le temps s’arrête. Tout devient possible. On décrypte les oeuvres (bien sûr), mais on digresse (beaucoup). La confidentialité du cercle n’a même pas besoin d’être annoncée, elle s’impose d’elle-même. Nos récits personnels se mélangent à l’encre des auteur.ices pour nourrir nos débats, on ose se livrer en toute confiance. Quand on y pense, entre les terrasses bondées et les repas de famille, on ne trouve pas toujours le moment ad hoc pour aborder des sujets profonds, tendres ou épineux. Et puis, c’est bien connu, les féministes cassent toujours l’ambiance en soirée.

Le rythme de lecture 

Je suis bien placée pour le savoir : ce n’est pas toujours facile de se motiver à lire (vie trépidante, transports bruyants, fatigue assommante…). A Paris, lorsque je faisais près de 2h de transports par jour debout, c’était presque mission impossible. Mine de rien, le club offre une motivation de carotte-au-bout-du-bâton très efficace. Inutile de se mettre la pression, chacun.e lit à la mesure de sa disponibilité. D’ailleurs, il arrive souvent que l’une de nous n’ait pas du tout eu le temps de lire entre deux séances… Et cela ne nous prive ni de participer, ni de profiter de la conversation !

L’intériorisation des oeuvres

L’exercice de lecture est tout à fait différent lorsque l’on se prépare à un compte-rendu, même assez vague. On apprécie donc d’autant plus l’effort de synthèse et de mémorisation auquel nous “oblige” la présentation au club suivant. 

L’ouverture culturelle

J’ai eu entre les mains bon nombre d’oeuvres que je n’aurais probablement jamais choisies en librairie, et encore moins trouvées dans la bibliothèque de mes parents ! 

L’émulation collective

J’ai tellement grandi grâce au club ! Je dois une bonne partie des trois dernières années à ce joli bouquet de lectrices. Oser m’affirmer, choisir des relations de qualité, assumer mes convictions, refuser la médiocrité ambiante, renforcer mon militantisme, changer de job… Si le club n’a pas planté toutes les graines, il les a abondamment arrosées ! Et bien que je ne puisse en être certaine, j’ose espérer qu’il en va de même avec chacune d’entre nous. 

Vous l’aurez compris, je pense véritablement que ce type de rituel peut changer une vie, que l’on soit déjà de fervent.e.s lecteur.ice.s ou au contraire… totalement allergique aux bouquins. Même en ligne, même avec des inconnus, même en confinement, il a fallu que je me jette dans le club de lecture de makesense. Je ne m’en lasse pas. Pour être honnête, je rêve que tout le monde puisse s’offrir cette parenthèse (autour de livres ou d’autres ressources), car c’est un bonheur accessible, inclusif, écologique, drôle, hydraté… et un véritable acte de société.

Merci infiniment à toutes les reines du club du Faubourg Saint-Denis (je vous aime !) et à l’épique équipe du club en ligne de la makesense TV.

Vous avez envie de vous lancer à organiser votre club de lecture ? Je vous dis tout par ici !


Crédits photos : Cristina Gottardi et Thought Catalog

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